
“Dakar, entre rêves de smart city et défis d’une ville ingérable : un paradoxe urbain saisissant.”
Dakar, capitale sénégalaise nichée sur la pointe occidentale de l’Afrique, incarne aujourd’hui un paradoxe fascinant. D’un côté, elle se positionne comme une métropole en pleine mutation technologique, aspirant au statut de “smart city” africaine. De l’autre, elle lutte quotidiennement contre des défis urbains qui semblent parfois insurmontables. Ce contraste saisissant mérite qu’on s’y attarde.
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La promesse de la modernité
Depuis quelques années, Dakar multiplie les initiatives technologiques. Le déploiement de la fibre optique s’accélère, les incubateurs de startups fleurissent dans des quartiers comme le Plateau, et des applications comme “Dakar Dem Dikk” transforment l’expérience des transports urbains. Le projet “Dakar numérique” ambitionne de connecter l’administration aux citoyens via des plateformes digitales innovantes.
Le pôle urbain de Diamniadio, à 30 km du centre-ville, représente la vitrine de cette ambition avec son centre de conférences ultramoderne et sa “Cité du savoir” qui accueille des institutions technologiques de pointe.
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La réalité d’une métropole sous pression
Pourtant, le quotidien dakarois raconte une histoire différente. La ville étouffe sous:
- Des embouteillages monstres qui paralysent la presqu’île pendant des heures
- Des inondations récurrentes dans les quartiers populaires lors de chaque saison des pluies
- Une gestion des déchets problématique malgré les efforts de modernisation
- Une urbanisation anarchique qui grignote les derniers espaces verts
- Des coupures d’électricité qui, bien que moins fréquentes qu’auparavant, perturbent encore le fonctionnement urbain
La presqu’île, contrainte géographiquement, peine à absorber les quelque 100 000 nouveaux habitants qui s’y installent chaque année.
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La fracture numérique au cœur du paradoxe
Ce qui rend le paradoxe dakarois si frappant, c’est la coexistence de deux réalités. Dans certains quartiers, on peut commander un taxi via une application, payer son électricité par mobile banking, et travailler dans des espaces de coworking ultra connectés. À quelques kilomètres, des familles entières luttent pour accéder à l’eau potable et vivent dans des zones non cartographiées sur les applications de navigation.
Cette fracture numérique ne fait que reproduire et parfois amplifier les inégalités socio-économiques préexistantes.
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Des initiatives qui redonnent espoir
Malgré ces défis, des lueurs d’espoir émergent. Des initiatives citoyennes comme “Dakar propre” mobilisent les habitants via les réseaux sociaux pour nettoyer les quartiers. Des startups locales développent des solutions adaptées aux réalités du terrain, comme Wutiko qui cartographie les zones non répertoriées ou JokkoSanté qui facilite l’accès aux médicaments.
Le projet de BRT (Bus Rapid Transit) représente un espoir concret pour désengorger la ville, tandis que le développement des énergies solaires pourrait offrir une alternative aux problèmes d’approvisionnement électrique.
Vers une smart city à l’africaine
L’avenir de Dakar ne se trouve peut-être pas dans la simple importation de modèles de smart city conçus ailleurs, mais dans le développement d’un modèle adapté aux réalités locales. La force de la capitale sénégalaise réside dans sa capacité à innover face aux contraintes, à développer des solutions frugales et à mobiliser l’intelligence collective de ses habitants.
Smart city Dakar pourrait ainsi devenir le laboratoire d’un nouveau type de développement urbain, où la technologie ne serait pas une fin en soi mais un outil au service de la résolution des problèmes fondamentaux.
Entre smart city et ville ingérable, Dakar trace sa propre voie, celle d’une métropole qui cherche à concilier modernité technologique et réponse aux besoins essentiels de sa population.